Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/325

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haut en bas de son logis. À l’endroit le plus palpitant de mon récit, quand savamment je ménageais l’émotion et préparais, en chevrotant, l’effet de la conclusion, elle m’interrompait pour crier quelque chose à Glodie, ou bien à Florimond, à l’autre bout de la maison. J’étais vexé. Je renonçai. Il ne faut demander aux femmes de partager nos songes-creux. La femme est la moitié de l’homme. Oui-dà, mais quelle moitié ? Celle d’en haut ? Ou si c’est l’autre ? Ce n’est en tout cas le cerveau qui est commun : chacun des deux a le sien, sa boîte à folies. Ainsi que deux surgeons, sortis d’un même tronc, c’est par le cœur qu’on communie…

Je communie très bien. Bien que barbon fané, ruiné, et mutilé, je suis assez malin pour avoir, presque tous les jours, une garde du corps de jeunes et jolies commères d’alentour, qui, rangées autour de mon lit, me font joyeuse compagnie. Elles viennent, alléguant une nouvelle d’importance, ou un service à demander, un ustensile à emprunter. Tous les prétextes leur sont bons, à la condition de ne plus y songer, à peine entrées dans la maison. Une fois là, comme au marché, elles s’installent, Guillemie aux yeux gais, Huguette au nez joli, Jacquotte l’entendue, Margueron, Alizon, et Gillette, et Macette, autour du veau sous l’édredon ; et jai, jai, jai, nous bavardons, ma commère, ma commère, comme des battants de cloche, et nous rions, quel carillon ! Et je suis le gros bourdon. J’ai dans mon sac toujours quelques fines histoires, qui chatouillent au bon endroit : fait beau les voir pâmer ! De la rue,