Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/329

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Debout, entre eux, les regardant, haussant l’épaule et s’esclaffant, se tenait mon fils le sergent au régiment de Sacermore, Aimon-Michel le sacripant (ce n’est pas un mauvais enfant). Il ne pouvait tenir en place, et tournait comme un loup en cage, tambourinait sur les carreaux, ou fredonnait : tayaut, tayaut, s’arrêtait pour dévisager les deux aînés qui disputaient, leur éclatait de rire au nez, ou leur coupait brutalement la parole pour proclamer que deux moutons, qu’ils soient ou non marqués d’une croix rouge ou bleue, s’ils sont bien gras, sont toujours bons, et qu’on saura le leur montrer… « Nous en avons mangé bien d’autres !… »

Anisse, mon dernier garçon, le regardait, horrifié. Anisse, le très bien nommé, qui n’a pas la poudre inventé. Les discussions l’inquiètent. Rien au monde ne l’intéresse. Il n’a de bonheur qu’à pouvoir bâiller en paix et s’ennuyer, tout le long de la sainte journée. Aussi trouve-t-il diaboliques la politique et la religion, ces inventions pour troubler le bon sommeil des gens d’esprit, ou l’esprit des gens qui sommeillent…

« Que ce que j’ai soit mal ou bon, puisque je l’ai, pourquoi changer ? Le

lit où l’on a fait son trou est fait par nous, est fait pour nous. Je ne veux pas de nouveaux draps… » Mais qu’il le voulût ou non, on secouait son matelas. Et dans son indignation, afin d’assurer son repos, cet homme doux aurait livré tous les éveilleurs au bourreau. Pour le moment, l’air effaré, il écoutait parler les autres ; et dès que leur ton s’élevait, son cou rentrait dans ses épaules.

Moi,