Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/48

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habillé en cuisinier ; il agite une casserole et une cuiller à pot ; d’une infâme ratatouille, il enfourne la becquée à six damnés nu-pieds, attachés à la queueleuleu, qui, par les barreaux d’une échelle, passent leur tête grimaçante, casquée d’un bonnet de coton.

Mais voici les triomphateurs, les héros de la journée ! Sur un trône de jambons, sous un dôme de langues fumées, paraît la reine des Andouilles, couronnée de cervelas, le cou orné d’un chapelet de saucisses enfilées, dont elle joue coquettement avec ses doigts boudinés ; escortée de ses estaffiers, boudins blancs et boudins noirs, andouillettes de Clamecy, que Riflandouille, le colonel, conduit à la victoire. Armés de broches et de lardoires, ils ont grand air, gras et luisants. Et j’aime aussi ces dignitaires, dont le ventre est une marmite, ou le corps un pâté en croûte, et qui portent, tels les rois mages, qui une hure de cochon, qui un flacon de vin morillon, qui la moutarde de Dijon. Au bruit des cuivres, des cymbales, des écumoires, des lèchefrites, arrive au milieu des risées, sur son âne, le roi des cocus, l’ami Pluviaut. Vincent, c’est lui, il est élu ! Assis à rebrousse-poil, coiffé d’un haut turban, un gobelet en main, il écoute sa garde de flotteurs, diables cornus, qui, la gaffe ou la gaule sur l’épaule, dégoisent à voix claire, en bonne langue franche et françoise, sans voiles, son histoire et sa gloire. En sage, il n’en montre pas d’indiscrète fierté ; indifférent, il boit, il fouette une lampée ; mais quand il passe au pied d’un logis illustré par la même fortune, il