Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/49

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crie, levant son verre : « Hohé, confrère, à ta santé ! »

Enfin, pour clore le cortège, vient la jolie saison nouvelle. Une fraîche fille, rose et riante, au lisse front, aux cheveux blonds, avec des petits frisons, couronnée de primevères, jaunes et claires, et portant en bandoulière, autour des petits seins ronds, de verts chatons, pris aux noisetiers des buissons. À sa ceinture, une escarcelle sonnante et pleine, et dans ses mains, une corbeille, elle chante, ses sourcils pâles relevés, écarquillant les yeux d’un bleu d’azur léger, la bouche ouverte comme un O sur ses nacottes aiguisées tels des couteaux, elle chante, d’une voix grêle, l’hirondelle, qui reviendra bientôt. À ses côtés, sur le chariot, que traînent quatre grands bœufs blancs, des mignonnes en bon point, bien à point, belles gaillardes au corps gracieux et rebondi et des fillettes à l’âge ingrat, qui comme de jeunes arbrisseaux ont poussé de-ci, de-là. À chacune il manque un morceau ; mais du reste le loup ferait un bon repas… Les laiderons jolis ! Elles portent dans des cages des oiseaux de passage, ou puisant dans la corbeille de la reine du printemps, elles jettent aux badauds des gâteaux, des surprises, des papillotes, où l’on trouve bonnets et cottes, des pralinés, son sort écrit, des vers d’amour, — ou bien les cornes.

Arrivées au bas du marché, près de la tour, les pucelles sautent du char, et sur la grand-place dansent avec les clercs et les commis. Cependant que Mardi gras, Carême et le roi des cocus poursuivent leur marche triomphale, en s’arrêtant tous les vingt