Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/50

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pas, pour dire aux gens leurs vérités, ou la chercher au fond du verre…

  À bouère ! À bouère ! À bouère !
  Nous quitterons-nous sans bouère ?
  Non !
  Les Bourguignons ne sont pas si fous
  D’se quitter sans boire un coup !



Mais à trop l’arroser, la langue s’épaissit et la verve se mouille. Je laisse l’ami Vincent faire avec son escorte une station nouvelle, à l’ombre d’un bouchon. La journée est trop belle pour rester encagé. Allons prendre l’air des champs !

Mon vieil ami le curé Chamaille, qui est venu de son village, dans sa charrette à âne, banqueter chez monsieur l’archiprêtre de Saint-Martin, m’invite à le reconduire, un bout de chemin. J’emmène ma Glodie. Nous montons dans le tape-cul. Fouette, bourrique !… Elle est si petite que je propose de la mettre dans le char, entre Glodie et moi… La route blanche s’allonge. Le soleil vieillot somnole ; il se chauffe, au coin de son feu, plus qu’il ne nous réchauffe. L’âne s’endort aussi et s’arrête, à penser. Le curé l’interpelle, indigné, de sa voix de gros bourdon :

— Madelon !

L’âne tressaute, tricote de ses fuseaux, zigzague entre deux ornières, et de nouveau s’arrête et médite, insensible à nos objurgations :

— Ah ! maudite, sans le signe de croix que tu