Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/51

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portes sur le dos, gronde Chamaille, qui lui larde les fesses du bout de son bâton, comme je te casserais ma trique sur l’échine !

Afin de nous reposer, nous faisons une halte, à la première auberge, au détour du chemin, qui de là redescend vers le blanc village d’Armes, dans le clair de son eau mirant son fin museau. Au milieu d’un champ voisin, autour d’un grand noyer qui se carre, dressant dans le ciel enfariné ses bras noirs et sa fière carcasse dépouillée, des filles font une ronde. Allons danser !… Elles ont été porter la crêpe du Mardi gras à commère la pie.

— Aga, Glodie, aga Margot l’agasse, avec son gilet blanc sur le bord de son nid, tout là-haut, tout là-haut, qui se penche pour voir ! La curieuse ! Afin que rien n’échappe à son petit œil rond et à sa langue bavarde, elle a fait sa maison sans porte ni fenêtres, tout au faîte des branches, ouverte à tous les vents. Elle est glacée, trempée, qu’importe ? Elle peut tout voir. Elle est de mauvaise humeur, elle a l’air de nous dire : « Qu’ai-je à faire de vos dons ? Manants, remportez-les ! Croyez-vous que si j’avais envie de votre crêpe, je ne serais pas capable d’aller la prendre chez vous ? À manger ce qu’on vous donne, il n’y a pas de plaisir. Je n’ai faim que de ce que je vole. »

— Alors, pourquoi, père-grand, lui donne-t-on la crêpe avec ces beaux rubans ? Pourquoi souhaiter sa fête à cette larronnette ?

— Parce que, dans la vie, vois-tu, c’est plus prudent d’être bien que d’être mal avec les méchants.