que tu assommas d’un gros moellon leur capitaine Papiphage.
— Il fut bien étonné, dit-il, le mécréant ! Et je le fus pareillement. Je suis bonhomme et n’aime point à voir couler le sang. C’est dégoûtant. Mais diable sait ce qui vous passe en la carcasse, quand on est parmi les fous ! On devient loup.
Je dis :
— C’est vrai, il n’est rien de tel que d’être en foule pour n’avoir plus le sens commun. Cent sages font un fou, et cent moutons un loup… Mais dis-moi donc, curé, à ce propos, comment arranges-tu ensemble les deux morales — celle de l’homme seul qui vit en tête à tête avec sa conscience et demande la paix pour lui et pour les autres, — et la morale des troupeaux d’hommes, des États, qui font de la guerre et du crime une vertu ? Laquelle vient de Dieu ?
— Belle question, parbleu !… Toutes les deux. Tout vient de Dieu.
— Alors, il ne sait ce qu’il veut. Mais je crois bien plutôt qu’il le sait et ne peut. N’a-t-il affaire qu’à l’homme isolé, c’est facile : il lui est fort aisé de se faire obéir. Mais quand l’homme est en troupe, Dieu n’en mène pas large. Que peut un seul contre tous ? Alors, l’homme est livré à la terre, sa mère, qui lui souffle son esprit carnassier… Tu te souviens du conte de chez nous, où des hommes, à certains jours, sont loups, et puis ils rentrent dans leur peau. Nos vieux contes en savent plus long que ton bréviaire, mon curé. Chaque homme dans