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Jean-Christophe

semblant de dormir. Christophe s’enfonce dans son lit, et retient son souffle… Silence de mort.

Après quelque temps, la petite figure blottie sous les draps revient à la surface. Sur le toit, la girouette grince. La gouttière s’égoutte. L’angélus tinte. Quand le vent souffle de l’Est, de très loin lui répondent les cloches des villages sur l’autre rive du fleuve. Les moineaux réunis en bande dans le mur vêtu de lierre, font un vacarme assourdissant, où se détachent, comme dans les jeux d’une troupe d’enfants, trois ou quatre voix, toujours les mêmes, plus criardes que les autres. Un pigeon roucoule au sommet d’une cheminée. L’enfant se laisse bercer par ces bruits. Il chantonne tout bas, puis moins bas, puis tout haut, puis très haut, jusqu’à ce que de nouveau la voix exaspérée du père crie : « Cet âne-là ne se taira donc jamais ! Attends un peu, je vais te tirer les oreilles ! » Alors il se renfonce dans ses draps, et il ne sait pas s’il doit rire ou pleurer. Il est effrayé et humilié ; et en même temps, l’idée de l’âne auquel on le compare le fait pouffer. Du fond du lit, il imite son braiement. Cette fois, il est fouetté. Il pleure toutes les larmes de son corps. Qu’est-ce qu’il a fait ? Il a si envie de rire, de se remuer ! Et il lui est défendu de bouger. Comment font-ils pour dormir toujours ? Quand pourra-t-on se lever ?…

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