Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 2.djvu/165

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Un matin de mars brumeux, que de petits flocons de neige voltigeaient, comme des plumes, dans l’air gris, ils étaient dans le studio. Il faisait à peine jour. Minna discutait, selon son habitude, une fausse note qu’elle avait faite, et prétendait que « c’était écrit ». Bien qu’il sût parfaitement qu’elle mentait, Christophe se pencha sur le cahier, pour voir de près le passage en question. Elle avait sa main posée sur le pupitre, elle ne la dérangea même pas. Il avait la bouche tout près de cette main. Il essayait de lire et n’y parvenait pas : il regardait autre chose, — cette chose délicate, transparente, comme des pétales de fleur. Brusquement, — il ne sut ce qui lui passait par la tête, — il appuya de toutes ses forces ses lèvres sur cette menotte.

Ils en furent aussi saisis l’un que l’autre. Il se rejeta en arrière, elle retira sa main, — rougissants tous les deux. Ils ne se dirent pas un mot, ils ne se regardaient pas. Après un moment de silence confus, elle se remit à jouer ; elle était fort troublée ; sa poi-

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