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Jean-Christophe

Elle l’entraîna en courant vers le petit labyrinthe boisé, aux sentiers bordés de buis, qui s’élevait au centre du bosquet. Ils escaladèrent la pente, ils glissaient sur le sol détrempé ; et les arbres mouillés secouaient sur eux leurs branches. Près d’arriver au faîte, elle s’arrêta, pour respirer.

— Attendez… attendez… dit-elle tout bas, tâchant de reprendre haleine.

Il la regarda. Elle regardait d’un autre côté : elle souriait, haletante, la bouche entrouverte ; sa main était crispée dans la main de Christophe. Ils sentaient leur sang battre dans leurs paumes pressées et leurs doigts qui tremblaient. Autour d’eux, le silence. Les pousses blondes des arbres frissonnaient au soleil ; une petite pluie s’égouttait des feuilles, avec un bruit argentin ; et dans le ciel passaient les cris aigus des hirondelles.

Elle retourna la tête vers lui : ce fut un éclair. Elle se jeta à son cou, il se jeta dans ses bras.

— Minna ! Minna ! ma chérie !…

— Je t’aime, Christophe ! Je t’aime !

Ils s’assirent sur un banc de bois mouillé. Ils étaient pénétrés d’amour, un amour doux, profond, absurde. Tout le reste avait disparu. Plus d’égoïsme, plus de vanité, plus d’arrière-pensées. Toutes les ombres de l’âme étaient balayées par ce souffle d’amour. Aimer, aimer, — voilà ce que disaient

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