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le matin

fut libre de s’enfermer dans sa chambre. Son cœur battait si fort, qu’il faillit déchirer la lettre, en l’ouvrant. Il tremblait de ce qu’il allait lire ; mais dès qu’il eut parcouru les premiers mots, une joie l’envahit.

C’étaient quelques lignes très affectueuses. Minna lui écrivait en cachette. Elle l’appelait : « Cher Christlein », elle lui disait qu’elle avait bien pleuré, qu’elle avait regardé l’étoile, chaque soir, qu’elle avait été à Francfort, qui était une ville grandiose, où il y avait des magasins admirables, mais qu’elle ne faisait attention à rien, parce qu’elle ne pensait qu’à lui. Elle lui rappelait qu’il avait juré de lui rester fidèle, et de ne voir personne en son absence, afin de penser uniquement à elle. Elle voulait qu’il travaillât pendant tout le temps qu’elle ne serait pas là, pour qu’il devînt célèbre, et qu’elle le fût aussi. Elle finissait en lui demandant s’il se souvenait du petit salon, où ils s’étaient dit adieu, le matin du départ ; et elle le priait d’y retourner un matin ; elle assurait qu’elle y serait encore, en pensée, et qu’elle lui dirait encore adieu, de la même façon. Elle signait : « Éternellement à toi ! Éternellement !… » ; et elle avait rajouté un post-scriptum, pour lui recommander d’acheter un chapeau canotier, au lieu de son vilain feutre, — tous les gens distingués en portaient ici : —

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