Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 2.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
le matin

fut sur le point de le planter là et de se sauver à toutes jambes, tant il avait de honte et d’ennui.

Une heure seulement avant de reprendre le train, ils se dégelèrent. Au fond du bois, un chien donnait de la voix ; il chassait pour son compte. Christophe proposa de se cacher sur le parcours, pour tâcher de voir la bête poursuivie. Ils coururent au milieu des fourrés. Le chien s’éloignait et se rapprochait. Ils allaient à droite, à gauche, avançaient, revenaient sur leurs pas. Les aboiements devenaient plus forts ; le chien s’étranglait d’impatience dans son cri de carnage ; il arrivait vers eux. Christophe et Otto, couchés sur les feuilles mortes, dans l’ornière d’un sentier, attendaient, ne respirant plus. Les aboiements se turent ; le chien avait perdu la piste ; on l’entendit japper encore une fois, au loin ; puis, le silence descendit sur les bois. Plus un bruit : seul, le grouillement mystérieux des millions d’êtres, des insectes et des vers, qui rongent sans répit et détruisent la forêt, — souffle régulier de la mort, qui ne s’arrête jamais. Les enfants écoutaient, et ils ne bougeaient pas. Juste au moment où, découragés, ils se relevaient pour dire : « C’est fini. Il ne viendra pas », — un petit lièvre pointa hors des fourrés ; il venait droit sur eux : ils le virent en même temps et poussèrent un hurlement de joie. Le lièvre bondit sur place et

87