Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

108
JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

rieur parfois de l’autre. Il resta quelque temps à regarder curieusement les petits orangers en caisse, qui poussaient dans la serre chaude d’Anatole France, et les fleurs grêles et parfaites, qui montaient sur le cimetière d’âme de Barrès. Il s’arrêta quelques instants aussi devant le génie, un peu sublime, un peu niais, de Maeterlinck : il s’en dégageait un mysticisme mondain, monotone, engourdissant comme une douleur vague. — Il se secoua, tomba dans le torrent de force épaisse, le romantisme boueux de Zola, qu’il connaissait déjà, et n’en sortit que pour se noyer tout à fait dans une inondation de littérature.

De ces plaines submergées s’exhalait un odor di femina. La littérature d’alors pullulait d’hommes femelles et de femmes. — Il est bien que les femmes écrivent, si elles ont la sincérité de peindre ce qu’aucun homme n’a jamais su voir tout à fait : le fond de l’âme féminine. Mais un petit nombre, seules, l’osaient faire ; la plupart des autres n’écrivaient que pour attirer l’homme : elles étaient aussi mensongères dans leurs livres que dans leurs salons ; elles s’embellissaient fadement, et flirtaient avec le lecteur. Depuis qu’elles n’étaient plus bigotes et n’avaient plus de confesseur à qui raconter leurs petites malpropretés, elles les racontaient au public. C’était une pluie de romans, presque toujours scabreux, toujours maniérés, écrits dans une langue qui avait l’air de zézayer, une langue qui sentait les fleurs, les bons parfums, — trop de