Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/203

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Il fut amené à en causer, un soir, avec un député socialiste, qu’il rencontrait parfois dans le salon des Stevens. Bien qu’il lui eût parlé déjà, il ne se doutait point de la qualité de son interlocuteur : jusque-là, ils ne s’étaient jamais entretenus que de musique. Il fut très étonné d’apprendre que cet homme du monde était un chef de parti violent.

Achille Roussin était un bel homme, à la barbe blonde, au parler grasseyant, le teint fleuri, les manières cordiales, une certaine élégance avec un fond de vulgarité, des gestes de rustre, qui lui échappaient de temps en temps : — une façon de se faire les ongles en société, une habitude toute populaire de ne pouvoir parler à quelqu’un sans happer son habit, l’empoigner, lui palper les bras ; — il était gros mangeur, gros buveur, viveur, rieur, les appétits d’un homme du peuple, qui se rue à la conquête du pouvoir ; souple, habile à changer de façons, suivant le milieu et l’interlocuteur, exubérant d’une façon raisonnée, sachant écouter, s’assimilant sur-le-champ tout ce qu’il entendait ; sympathique d’ailleurs, intelligent,

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