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LA FOIRE SUR LA PLACE

ver le rôle. À la première pause de l’orchestre, il alla trouver l’impresario, qui s’était chargé de l’organisation matérielle du concert, et qui, avec Sylvain Kohn, assistait à la répétition. L’impresario, le voyant venir, lui dit, le visage rayonnant :

— Eh bien, vous êtes content ?

— Oui, dit Christophe, je crois que cela s’arrangera. Il n’y a qu’une chose qui ne va pas : c’est la chanteuse. Il faudra changer cela. Dites-le-lui gentiment ; vous avez l’habitude… Il vous sera bien facile de m’en trouver une autre.

L’impresario eut l’air stupéfait ; il regarda Christophe, comme s’il ne savait pas si Christophe parlait sérieusement ; et il dit :

— Mais ce n’est pas possible !

— Pourquoi ne serait-ce pas possible ? demanda Christophe.

L’impresario échangea un coup d’œil avec Sylvain Kohn, narquois, et il reprit :

— Mais elle a tant de talent !

— Elle n’en a aucun, dit Christophe.

— Comment !… Une si belle voix !

— Elle n’en a aucune.

— Et puis, une si belle personne !

— Je m’en fous.

— Cela ne nuit pourtant pas, fit Sylvain Kohn, en riant.

— J’ai besoin d’un David, et d’un David qui sache chanter ; je n’ai pas besoin de la belle Hélène, dit Christophe.