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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

L’impresario se frottait le nez avec embarras :

— C’est bien ennuyeux, bien ennuyeux,… dit-il. C’est pourtant une excellente artiste… Je vous assure ! Elle n’a peut-être pas tous ses moyens aujourd’hui. Vous devriez encore essayer.

— Je veux bien, dit Christophe ; mais c’est du temps perdu.

Il reprit la répétition. Ce fut encore pis. Il eut peine à aller jusqu’au bout : il devenait nerveux ; ses observations à la chanteuse, d’abord froides mais polies, se faisaient sèches et coupantes, en dépit de la peine évidente qu’elle se donnait afin de le satisfaire, et des œillades qu’elle lui décochait pour conquérir ses bonnes grâces. L’impresario, prudemment, interrompit la répétition, au moment où les affaires menaçaient de se gâter. Pour pallier le mauvais effet des observations de Christophe, il s’empressait auprès de la chanteuse, et lui prodiguait de pesantes galanteries, lorsque Christophe, qui assistait à ce manège, avec une impatience non dissimulée, lui fit signe impérieusement de venir, et dit :

— Il n’y a pas à discuter. Je ne veux pas de cette personne. C’est désagréable, je le sais ; mais ce n’est pas moi qui l’ai choisie. Arrangez-vous comme vous voudrez.

L’impresario s’inclina, d’un air ennuyé, et dit, avec indifférence :

— Je n’y puis rien. Adressez-vous à M. Roussin.

— En quoi cela regarde-t-il M. Roussin ?