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LA FOIRE SUR LA PLACE

demanda Christophe. Je ne veux pas l’ennuyer de ces affaires.

— Cela ne l’ennuiera pas, dit Sylvain Kohn, ironique.

Et il lui montra Roussin, qui, justement, entrait.

Christophe alla au devant de lui. Roussin, d’excellente humeur, s’exclamait :

— Eh quoi ! déjà fini ? J’espérais entendre encore une partie. Eh bien, mon cher maître, qu’est-ce que vous en dites ? Êtes-vous satisfait ?

— Tout va très bien, dit Christophe. Je ne puis assez vous remercier…

— Du tout ! Du tout !

— Il n’y a qu’une seule chose qui ne peut pas marcher.

— Dites, dites. Nous arrangerons cela. Je tiens à ce que vous soyez content.

— Eh bien, c’est la chanteuse. Entre nous, elle est exécrable.

Le visage épanoui de Roussin se glaça subitement. Il dit, d’un air sévère :

— Vous m’étonnez, mon cher.

— Elle ne vaut rien, rien du tout, continua Christophe. Elle n’a ni voix, ni goût, ni métier, pas l’ombre de talent. Vous avez de la chance de ne pas l’avoir entendue tout à l’heure !…

Roussin, de plus en plus pincé, coupa la parole à Christophe, et dit, d’un ton cassant :

— Je connais Mlle de Sainte-Ygraine. C’est une artiste de grand talent. J’ai la plus vive admiration