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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

il le lui demanda. Elle lui répondit qu’elle était sa voisine de mansarde, qu’elle l’avait entendu gémir de l’autre côté du mur, et qu’elle s’était permis d’entrer, pensant qu’il avait besoin d’aide. Elle le pria respectueusement de ne pas se fatiguer à parler. Il lui obéit. Au reste, il était brisé par l’effort qu’il avait fait ; il se tint donc immobile, et se tut ; mais son cerveau continuait de travailler, rassemblant péniblement ses souvenirs épars. Où donc l’avait-il vue ?… Il finit par se rappeler : oui, il l’avait rencontrée dans le couloir des mansardes ; elle était domestique, elle se nommait Sidonie.

Les yeux à demi clos, il la regardait, sans qu’elle le vît. Elle était petite, la figure sérieuse, le front bombé, les cheveux relevés, le haut des joues et les tempes découverts, pâles, et de forte ossature, le nez court, les yeux bleu-clair, au regard doux et obstiné, les lèvres grosses et serrées, le teint anémié, l’air humble, concentré, un peu raidi. Elle s’occupait de Christophe, avec un dévouement actif et silencieux, sans familiarité, sans se départir jamais de la réserve d’une domestique qui n’oublie pas la différence de classes.

Peu à peu cependant, lorsqu’il alla mieux et qu’il put causer avec elle, la bonhomie affectueuse de Christophe amena Sidonie à lui parler un peu plus librement ; mais elle se surveillait toujours ; il y avait certaines choses, qu’on voyait qu’elle ne disait pas. Elle avait un mélange d’humilité et de