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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

Il voulait dire une plaisanterie, et non une insolence ; mais Christophe le prit autrement. Il eût répliqué, si Kohn ne l’avait devancé.

— Ah ! pardon, pardon, disait-il à Hecht, vous me rendrez cette justice que moi, je n’y entends rien.

— Cela fait votre éloge, répondit Hecht.

— S’il faut ne pas être musicien pour vous plaire, dit sèchement Christophe, je suis fâché, je ne fais pas l’affaire.

Hecht, la tête toujours tournée de côté, reprit, avec la même indifférence :

— Vous avez déjà écrit de la musique ? Qu’est-ce que vous avez écrit ? Des lieder, naturellement ?

— Des lieder, deux symphonies, des poèmes symphoniques, des quatuors, des suites pour piano, de la musique de scène, dit Christophe, bouillonnant.

— On écrit beaucoup en Allemagne, fit Hecht, avec une politesse dédaigneuse.

Il était d’autant plus méfiant à l’égard du nouveau venu, que celui-ci avait écrit tant d’œuvres, et que lui, Daniel Hecht, ne les connaissait pas.

— Eh bien, dit-il, je pourrais peut-être vous occuper, puisque vous m’êtes recommandé par mon ami Hamilton. Nous faisons en ce moment une collection, une Bibliothèque de la jeunesse, où nous publions des morceaux de piano faciles. Sauriez-vous nous « simplifier » le Carnaval de Schumann, et l’arranger à six et à huit mains ?