Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/117

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Comme une minute d’amour en dit plus sur un être que des mois passés à l’observer, Christophe en avait plus appris sur la France, après huit jours d’intimité avec Olivier, sans presque sortir de la maison, qu’après un an de courses errantes à travers Paris et de stage attentif dans les salons intellectuels et politiques. Au sein de cette anarchie universelle où il se sentait perdre pied, une âme comme celle de son ami lui était apparue vraiment comme « l’Île de France », — l’île de raison et de sérénité, au milieu de la mer. La paix intérieure, qui était en Olivier, frappait d’autant plus qu’elle n’avait aucun support intellectuel, — que les circonstances où il vivait étaient pénibles, — (il était pauvre, seul, et son pays en décadence), — que son corps était faible, maladif, et livré à ses nerfs. Cette sérénité ne semblait pas le fruit d’un effort de volonté qui se tendait pour la réaliser, — (il avait peu de volonté) ; — elle venait des profondeurs de son être et de sa race. Chez bien d’autres, autour d’Olivier, Christophe apercevait la lueur lointaine de cette σωφροσύνη, — « le calme silencieux de la mer

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