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DANS LA MAISON

et monomane, un fou furieux, qui passe son temps à gronder, menacer, hurler comme un loup enragé, délirer tout seul, enfermé dans son nuage. Je ne le comprends pas, je ne l’aime pas, ses imprécations éternelles me cassent la tête, et sa férocité me fait horreur :


Sentence contre Moab…
Sentence contre Damas…
Sentence contre Babylone…
Sentence contre l’Égypte…
Sentence contre le désert de la mer…
Sentence contre la vallée de la vision…


C’est un fou, qui se croit juge, accusateur public, et bourreau à lui tout seul, et qui prononce des arrêts de mort, dans la cour de sa prison, contre les fleurs et les cailloux. On est stupéfié de la ténacité de haine, qui remplit ce livre de ses cris de carnage… — « le cri de la ruine,… le cri enveloppe la contrée de Moab ; son hurlement va jusqu’en Églazion ; son hurlement va jusqu’en Béer… »

De temps en temps, il se repose au milieu des massacres, des petits enfants écrasés, des femmes violées et éventrées ; et il rit, du rire d’un sous-officier de l’armée de Josué, à table, après le sac d’une ville :


« Et le Seigneur des armées fait à ses peuples un banquet de viandes grasses, un banquet de vins