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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

d’entendre grincer des poulies, gratter des pierres, et clouer des planches, tous les jours, du matin au soir. Il avait retrouvé, parmi les ouvriers, son ami le couvreur, avec qui il avait fait connaissance naguère, sur le toit. Ils échangeaient de loin des signes d’intelligence. Même, l’ayant rencontré une fois dans la rue, il l’avait mené chez le marchand de vin, et ils avaient bu un verre ensemble, au grand étonnement d’Olivier, un peu scandalisé. Il s’amusait du bagout drôlatique de l’homme et de son inaltérable bonne humeur. Mais il ne l’en maudissait pas moins, lui et sa bande d’industrieux et stupides animaux, qui élevaient un barrage devant sa maison, et lui volaient son air et sa lumière. Olivier ne se plaignait pas trop ; il s’accommodait volontiers d’un horizon muré : c’était comme le poêle de Descartes, d’où la pensée comprimée jaillit vers le ciel libre. Mais Christophe avait besoin de plus d’air. Confiné dans cet étroit espace, il prenait sa revanche, en se mêlant aux âmes de ceux qui l’entouraient. Il les buvait. Il les mettait en musique. Olivier lui disait qu’il avait l’air d’un amoureux.

— Si je l’étais, répondait Christophe, je ne verrais plus rien, je n’aimerais plus rien, rien ne m’intéresserait, en dehors de mon amour.

— Alors, qu’est-ce que tu as ?

— Je suis bien portant, j’ai faim.

— Heureux Christophe ! soupirait Olivier, tu