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DANS LA MAISON

eaux de l’univers : mélodies et rythmes populaires, gammes exotiques et antiques, genres d’intervalles nouveaux ou renouvelés. Comme, avant eux, leurs peintres impressionnistes avaient ouvert à l’œil un monde nouveau, — Christophes Colombs de la lumière, — leurs musiciens s’acharnaient à la conquête de l’univers des sons ; ils pénétraient plus avant dans les retraites mystérieuses de l’Ouïe ; ils découvraient des terres nouvelles dans cette mer intérieure. Plus que probablement, d’ailleurs, ils ne devaient rien faire de leurs conquêtes. Suivant leur habitude, ils étaient les fourriers du monde.

Christophe admirait l’initiative de cette musique qui renaissait d’hier, et qui déjà marchait à l’avant-garde de l’art. Quelle vaillance il y avait dans cette élégante et menue petite personne ! Il devenait indulgent pour les sottises qu’il avait naguère relevées en elle. Seuls, ceux qui ne font rien ne se trompent jamais. Mais l’erreur qui s’efforce vers la vérité vivante est plus féconde et plus sainte que la vérité morte.

Quel que fût le résultat, l’effort était surprenant. Olivier montrait à Christophe l’œuvre accomplie depuis trente-cinq ans, et la somme d’énergie dépensée pour faire surgir la musique française du néant où elle dormait avant 1870 : sans école symphonique, sans culture profonde, sans traditions, sans maîtres, sans public ; réduite au seul Berlioz, qui mourait d’étouffement et