Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Pour Christophe, ignorant de la vie profonde de la France, c’était un phénomène presque miraculeux que ce grand artiste croyant, au sein d’un peuple athée.

Mais Olivier, haussant doucement les épaules, lui demandait dans quel pays d’Europe on pouvait trouver un peintre dévoré du souffle de la Bible, à l’égal du puritain François Millet ; — un savant plus pénétré de foi ardente et humble que le lucide Pasteur, prosterné devant l’idée de l’infini, et, quand cette pensée s’emparait de son esprit, « dans une poignante angoisse, — comme il disait lui-même, — demandant grâce à sa raison, tout près d’être saisi par la sublime folie de Pascal ». Un catholicisme profond n’était pas plus une gêne pour le réalisme héroïque du premier de ces deux hommes que pour la raison passionnée de l’autre, parcourant d’une marche sûre, sans dévier d’un pas, « les cercles de la nature élémentaire, la grande nuit de l’infiniment petit, les derniers abîmes de l’être, où naît la vie ». C’était dans le peuple de province, d’où ils

— 49 —