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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/85

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DANS LA MAISON

pour ne pas savoir qu’il n’avait aucune chance pour cela. Mais il eût voulu au moins vivre dans cette atmosphère d’art et de pensée bourgeoise, qui de loin lui semblait lumineuse et pure de toute médiocrité. Ce désir, bien innocent, avait le tort de lui rendre pénible la société des gens avec qui sa condition l’obligeait à vivre. Et comme la société bourgeoise, dont il cherchait à se rapprocher, lui tenait porte close, il en résultait qu’il ne voyait personne. Aussi Christophe n’eut-il aucun effort à faire pour entrer en relations avec lui. Il dut plutôt, très vite, se garer de lui : sans quoi Aubert eût été plus souvent chez Christophe que chez lui. Il était trop heureux de trouver un artiste à qui parler musique, théâtre, etc. Mais Christophe, comme on l’imagine, n’y trouvait pas le même intérêt : avec un homme du peuple, il eût préféré causer du peuple. Or c’était ce que l’autre ne voulait, ne savait plus.


À mesure qu’on descendait aux étages inférieurs, les rapports devenaient naturellement plus lointains entre Christophe et les autres locataires. Au reste, il eût fallu avoir je ne sais quel secret magique, un Sésame, ouvre-toi, pour pénétrer chez les gens du troisième. — D’un côté, habitaient deux dames, qui s’hypnotisaient dans un deuil déjà ancien : Mme Germain, une femme de trente-cinq ans, qui avait perdu son mari et sa petite fille, et qui vivait en recluse, avec sa belle-