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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/93

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DANS LA MAISON

terait du bien-être : c’est beau, la joie intérieure ; mais un peu de lumière du dehors fait tant de bien aussi, de temps en temps !… Mais elle ne disait rien, parce qu’elle était timide ; et puis, elle savait que même s’il voulait parvenir à la réputation, il ne serait pas sûr de pouvoir : trop tard, maintenant !… Leur plus gros regret était de ne pas avoir d’enfant. Ils se le cachaient mutuellement ; et ils n’en avaient que plus de tendresse l’un pour l’autre : c’était comme si ces pauvres gens avaient eu à se faire pardonner, l’un à l’autre. Mme Arnaud était bonne, affectueuse ; elle eût aimé à se lier avec Mme Elsberger. Mais elle n’osait pas : on ne lui faisait aucune avance. Quant à Christophe, mari et femme n’eussent pas demandé mieux que de le connaître : ils étaient fascinés par sa lointaine musique. Mais, pour rien au monde, ils n’eussent fait les premiers pas : cela leur eût paru indiscret.


Le premier étage était occupé en entier par M. et Mme Félix Weil. De riches juifs, sans enfants, qui passaient six mois de l’année à la campagne, aux environs de Paris. Bien qu’ils fussent depuis vingt ans dans la maison, — (ils y restaient par habitude, quoiqu’il leur eût été facile de trouver un appartement plus en rapport avec leur fortune), — ils y semblaient toujours des étrangers de passage. Ils n’avaient jamais