toute la nuit. Que lui importait, ici ou là ? Marcher pour ne pas penser, marcher jusqu’à ce qu’on ne pense plus, jusqu’à ce qu’on tombe mort. Ah ! si l’on pouvait être mort !…
À l’aube, il se trouva dans un village français, très loin de la frontière. Toute la nuit il s’en était éloigné. Il entra dans une auberge, mangea voracement, repartit, marcha encore. Dans la journée, il s’écroula au milieu d’un pré, il y resta jusqu’au soir, endormi. Lorsqu’il se réveilla, une nouvelle nuit commençait. Sa fureur était tombée. Il ne lui restait qu’une douleur atroce, irrespirable. Il se traîna jusqu’à une ferme, demanda un morceau de pain, une botte de paille pour dormir. Le fermier le dévisagea, lui coupa une tranche de miche, le conduisit dans l’étable, l’enferma. Couché dans la litière, près des vaches à l’odeur fade, Christophe dévorait son pain. Son visage ruisselait de larmes, sa faim et sa douleur ne pouvaient s’apaiser. Cette nuit encore, le sommeil le délivra, pour quelques heures, de ses peines. Il se réveilla le lendemain, au bruit de la porte qui s’ouvrait. Il resta étendu, sans bouger. Il ne voulait plus revivre. Le fermier s’arrêta devant lui, et le regarda longuement ; il tenait à la main un papier sur lequel il jetait les yeux de temps en temps. Enfin l’homme fit un pas,