Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 1.djvu/200

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Elle ne protestait pas. Elle eût plutôt remercié. Tout cela était si large, si vague, si désintéressé qu’elle n’avait aucun motif de s’y trouver gênée. Roger était, toute lumière et toute liberté… Un peu diffuse, peut-être. Annette eût, peut-être, souhaité quelques précisions. Mais cela viendrait plus tard ; on ne pouvait tout dire, du premier coup. Faisons durer le plaisir !… Aujourd’hui, il n’y avait qu’à jouir de ces horizons illimités…

Elle jouissait surtout de la charmante figure, de l’ardente attraction de leurs deux corps amoureux, où subitement passaient des ondes électriques, du flot de sève sensuelle qui les gonflait tous deux, tous deux riches des forces d’une chaste jeunesse, sains, robustes et brûlants.

Jamais l’éloquence de Roger n’était plus certaine que lorsqu’elle s’interrompait et que, dans les dernières vibrations des paroles qui leur avaient ouvert des visions exaltées, leurs yeux se rencontraient : le soudain contact était comme une étreinte. Alors, un tel désir s’enflammait en eux que leur souffle s’arrêtait. Roger ne songeait plus à éblouir et à parler. Annette ne songeait plus à l’avenir de l’humanité, ni même au sien. Ils oubliaient tout, tout ce qui les entourait : le salon, le public. Ils n’étaient plus, à ces secondes, qu’un être unique, une cire en feu. Plus