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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/37

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sa nièce, dont l’éloignement maintenait à distance le fâcheux événement, quand Annette annonça son retour.

Annette était émue, en rentrant au logis. Sylvie avait été la chercher à la gare. Tante Victorine ne put s’y résoudre ; et quand elle entendit s’ouvrir la porte de la maison, elle remonta précipitamment l’escalier dont elle avait descendu la moitié, et courut s’enfermer dans sa chambre. Annette l’y trouva en larmes ; la tante, en l’embrassant, répétait :

— Ma pauvre enfant !… Mais comment ?… Mais comment ?…

Annette, plus troublée qu’elle ne voulait le paraître, jouait l’assurance, et disait, d’un ton brusque et riant :

— On aura le temps de raconter !… Maintenant, allons dîner !

La vieille dame se laissa entraîner. Elle continuait de larmoyer ; Annette lui faisait :

— Chut ! Chut ! ma bonne tante… Il ne faut pas pleurer…

La tante cherchait à retrouver ce qu’elle aurait voulu dire ; elle en avait un tas : lamentations, semonces, questions, interjections… Mais de ce tas, elle ne pouvait rien tirer ; il ne sortait que de gros soupirs. Annette, brusquement, la mit en présence de l’enfant qui dormait comme un bienheureux, de tout son petit corps souple et dodu, la tête chavirée : elle tomba en extase, elle joignit les mains ; et son vieux cœur de servante sur-le-champ contracta un nouveau louage avec le chef nouveau de la maison. De cette heure, elle s’attela, rajeunie, au chariot du petit dieu. — Par instants, la mémoire lui revenait qu’il était tout de même un objet scandaleux. Elle se retrouvait dans le désarroi. Annette, qui causait avec une insouciance affectée, guettait du coin de l’œil la bonne vieille figure qui s’allongeait :

— Allons, qu’est-ce que c’est donc ? demandait-elle, il faut se faire une raison !