Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La tante entamait, une fois de plus, ses confuses lamentations.

— Mais oui, disait Annette, lui tapotant les mains, mais oui !… Mais enfin, qu’est-ce que tu voudrais donc ? Que nous perdions notre cher petit garçon ? (Elle savait bien ce qu’elle faisait, en appuyant, câline, sur le « notre » ! )

La tante, superstitieuse, protestait, bouleversée :

— Annette, ne dis pas cela ! C’est dangereux… Non, comment peux-tu dire ?…

— Alors, n’aie pas cette mine ! Puisque notre petit est là, puisqu’il nous est venu, qu’est-ce qu’on peut faire maintenant ? Qu’est-ce qu’on peut faire de mieux que de l’aimer et d’être heureux ?

La tante aurait pu répondre :

— Oui, mais pourquoi est-il venu ?

Elle n’avait plus la force de le souhaiter. La morale l’eût voulu, pourtant. Le monde et la religion. La dignité et la tranquillité. Peut-être la tranquillité surtout. La plus intime pensée, tout au fond, tout au fond, qu’elle ne s’avouait pas, était :

— Mon Dieu ! si, au moins, cette malheureuse enfant ne m’en avait rien dit !…

Enfin, dans l’impossibilité d’accorder tant de pensées contradictoires, tante Victorine finit par renoncer à penser. Et, s’abandonnant à l’instinct, elle fut la vieille poule, qui a passé sa vie à élever les poussins des autres. Elle accepta.

Mais Annette n’eut pas trop à s’en féliciter. Il est des annexions qui rapportent plus d’ennuis que d’avantages. Par la tante, ne tarda pas à s’introduire chez Annette le trouble du dehors. Madame Victorine était bavarde ; et elle prêtait l’oreille à ce que le voisinage disait du retour de sa nièce. Elle revenait, tout courant, larmoyant, le redire à Annette. Annette la rudoyait affectueusement, mais elle ne laissait pas d’être affectée de ces sots commé-