Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/49

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de l’ordre et de la correction minutieuse que Sylvie plaisantait. Marcel ne s’en plaignit point. Il la trouvait embellie, un doux et frais embonpoint, une tendre langueur, l’humide éclat d’un regard détendu par le bonheur. Annette parlait avec abandon ; elle avait plaisir à retrouver le confident perspicace de ses hésitations ; elle aimait son intelligence, son tact de pensée ; il lui inspirait confiance. Franck se montrait, comme toujours, finement compréhensif, cordial, mais, dès le début de l’entretien, avec une nuance de familiarité nouvelle, qui la frappa.

Ils se rappelaient leur dernière rencontre avant la fâcheuse villégiature d’Annette, en Bourgogne, chez les Brissot ; et Annette convenait que Marcel avait trop bien vu ce qui devait arriver. Elle ne voulait parler que de l’impossibilité de son mariage avec Roger ; mais une rougeur lui vint, en pensant que Marcel l’entendait autrement et qu’il le trouvait plaisant. Marcel, malicieusement, disait :

— Vous le voyiez aussi bien que moi.

Et il riait du tour qu’avait pris l’aventure. Il avait l’air d’en être un peu complice. Annette éprouvait une confusion, qu’elle cachait sous l’ironie. Marcel surenchérit :

— Vous le voyiez beaucoup mieux que moi. Nous autres hommes, nous avons le ridicule de croire que nous pouvons dispenser aux femmes notre précieuse sagesse ; et nous nous laissons prendre, quand de leur voix insidieuse, avec leurs beaux grands yeux, elles nous demandent anxieusement ce qu’elles doivent faire. Elles le savent fort bien. Elles flattent notre manie : nous aimons à professer. Elles pourraient nous donner des leçons ! Quand je pronostiquais qu’on ne vous attraperait point, au filet des Brissot, je ne me doutais pourtant pas que vous sortiriez des mailles, d’une façon aussi magistrale. C’est d’une belle crânerie. À la bonne heure !… Hé !