Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/50

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quand vous vous y mettez !… Je vous fais mes compliments de votre intrépidité…

Annette l’écoutait avec gêne. Comme c’était singulier ! Elle prétendait revendiquer son droit d’agir ainsi qu’elle avait fait ; l’autre jour, chez Lucile, elle était prête à l’affirmer contre l’univers entier. Et elle avait un malaise à l’entendre louer, sur ce ton, par Marcel ! Elle souffrait dans sa pudeur et dans sa dignité. Elle dit :

— Ne me complimentez pas ! Je suis moins audacieuse que vous ne pensez. Je ne voulais pas d’avance ce qui est arrivé. Je ne le prévoyais pas…

Puis, prise d’un scrupule et trop fière pour mentir, elle reprit :

— Je me trompe. Si, j’y avais pensé. Mais c’était pour le craindre, et non pour le vouloir. Et c’est là ce qui me reste incompréhensible : comment ce que je craignais, ce que je ne voulais point, suis-je allée au-devant ?

— C’est naturel, dit Marcel. Ce qu’on craint hypnotise. Au fond, il n’est pas dit que ce qu’on craint, on ne le désire. Mais oser ce qu’on craint, tous n’en sont pas capables. Vous, vous avez osé. Vous avez osé vous tromper. Il faut se tromper dans la vie. Se tromper, c’est connaître. Il faut connaître… Seulement, tout en osant, je trouve, ma pauvre amie, que vous auriez pu prendre certaines précautions ; votre partenaire me paraît bien coupable de vous avoir laissé cette charge à porter.

Annette, un peu choquée, dit :

— Pour moi, ce n’est pas une charge.

Marcel pensa qu’Annette, généreusement, voulait excuser Roger, et dit :

— Vous l’aimez encore ?

— Qui ? demanda Annette.

— Bon ! fit Marcel, en riant. Vous ne l’aimez donc plus.

— J’aime mon enfant, dit Annette. Le reste est du passé. Et le passé, on ne sait plus si cela a jamais été. On ne le comprend plus. C’est triste.