Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/51

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— Cela aussi a son charme, fit Marcel.

— Je ne le goûte point, dit Annette. Je ne suis pas une dilettante. Mais mon fils, c’est le présent, et le présent qui durera aussi longtemps que moi.

— Le présent qui nous refoule, celui pour qui vous serez, un jour, à votre tour, du passé.

— Tant pis pour moi ! dit Annette. Ce sera encore bon d’être foulé par ses petits pieds.

Marcel riait de cette passionnée. Annette dit :

— Vous ne pouvez pas me comprendre. Vous ne l’avez pas vu, mon Marc, mon petit chef-d’œuvre. Et même si vous le voyiez, vous ne sauriez pas le voir. Vous êtes bon pour juger de tableaux, de statues, de joujoux inutiles. Vous ne pouvez pas juger de l’unique merveille : le corps d’un petit enfant. Cela ne servirait à rien que je vous le décrive…

Elle le décrivit tout de même, longuement, amoureusement. Elle riait de ses expressions ardentes, exagérées, mais elle y était prise. Elle s’interrompit devant le regard indulgent et narquois de Marcel.

— Je vous ennuie… Pardon !… vous ne me comprenez pas ?

Mais si ! Marcel comprenait. Marcel comprenait tout. Chacun a son plaisir. Il ne le discutait pas…

— Enfin, pour résumer, dit-il, vous avez fait la maternité buissonnière. Vous voilà en contravention à l’ordre et à la famille légale. Et, loin de le regretter, vous défiez l’autorité.

— Quelle autorité ? demanda Annette. Je ne défie rien du tout.

— Eh bien donc, l’opinion, la tradition, le code Napoléon.

— Je ne m’occupe point de tous ces gens-là !

— C’est le pire défi, celui qu’ils ne pardonnent point… Mais soit ! Tout est rompu, vous vous êtes affranchie du clan : qu’allez-vous faire maintenant ?