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Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 2.djvu/89

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Marc passait le jour dans l’atelier de Sylvie. La tante Victorine s’était éteinte, peu après l’installation. Elle n’avait pu survivre à la perte du vieux foyer, des vieux meubles, des habitudes d’un demi-siècle quiet. Annette étant tenue, jusqu’au soir, hors du logis, Sylvie prenait l’enfant chez elle. Il était le chat de l’atelier, choyé par les clientes et par les ouvrières, furetant à quatre pattes, assis sous une table, ramassant des agrafes et des bouts de chiffons, dévidant des écheveaux, enroulant des pelotons, bourré de sucreries et beurré de baisers. C’était un petit garçon de trois à quatre ans, châtain doré comme Annette, resté un peu pâlot depuis sa maladie. La vie était pour lui un spectacle perpétuel. Sylvie aurait pu se souvenir de ses premières expériences, quand, assise sous le comptoir de sa mère, elle écoutait les clients. Mais les grandes personnes, du haut de leurs échasses, ont un champ de vision beaucoup trop différent pour savoir ce qu’agrippent les yeux d’un enfant. Et ses oreilles roses… Elles avaient de quoi s’occuper, dans l’atelier ! Les langues s’en donnaient, rieuses, hardies, effrontées. La pruderie n’était point le péché de Sylvie et de son troupeau. Bien rire, bien médire, fait l’aiguille courir… On ne songeait pas au petit. Est-ce qu’il pouvait comprendre ?… Il ne comprenait pas (c’était plus que probable), mais il prenait, il ne laissait rien perdre. L’enfant ramasse tout, tâte tout, goûte à tout. Gare à ce qui traîne ! Vautré sous une chaise, il mettait dans sa bouche tout ce qui tombait de là-haut, les miettes de biscuit, des boutons, des noyaux ; et il mettait aussi les