Aller au contenu

Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle répondit :

— Je n’ai rien à te dire, pour le moment. J’ai trop à me dire.

Marc n’était pas habitué à voir Sylvie perdre son temps à méditer :

— Qu’est-ce que tu as ?

— J’ai que j’ai gâché ma vie. J’ai gâché la vie de mon mari. Et je suis en train de gâcher la tienne.

— En quoi cela te regarde-t-il ? Ma vie est à moi. J’en fais ce qui me plaît… Et puis, pour ce qu’elle vaut, la vie !

— Elle vaut ce que l’on vaut… Encore, ce n’est pas juste. Pour celui qui vaut le moins, elle a un prix infini.

— Qu’est-ce qu’ils en font, là-bas, ! Va-t-en voir, aux tranchées ! La vie ne vaut pas cher.

— Je le sais. Elle ne leur coûte guère ! Ils viennent de me prendre celle de Léopold.

— Léopold !…

Marc ignorait encore. La nouvelle le frappa. Il comprit le sérieux de Sylvie. Mais il ne pensait pas que le mort eût jamais occupé dans son cœur une place bien importante. Il s’étonna de l’entendre :

— C’est justement pour cela, parce que je sais à présent tout le prix de cette vie, le meurtre qu’ils ont commis, — et que j’ai commis aussi.