Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/184

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dans les nuits, des altercations véhémentes, à voix étouffées, une orageuse mélopée, d’où se détachaient, par éclats, les apostrophes d’Apolline, son souffle emporté. Après, le silence lourd. Depuis une semaine, cela durait… Au milieu d’une nuit, Apolline, criant, sortit de la chambre. Annette se leva, pour imposer silence. Elle la trouva dans le couloir, presque nue, qui se meurtrissait avec ses ongles et se lamentait ; elle avait perdu le sens. Annette la fit entrer dans sa chambre, et s’efforça de la calmer. Elle se recoucha. Apolline, devant le lit, abattue, déversait un torrent de violence sauvage. Annette lui mit la main sur la bouche, pour que le petit, dans la chambre à côté, ne se réveillât pas : (il y avait beau temps qu’il écoutait !…) Et dans le flot désordonné, Annette lut, glacée, la vérité…

La nuit passa. Apolline, accroupie sur le tapis, au pied de l’oreiller, grondait, se taisait, récitait des prières furieuses. Elle finit par s’endormir, bouche ouverte, et ronflant. Annette ne dormit point. Aux premières lueurs de l’aube, penchée au bord du lit, elle regardait au-dessous la dormeuse appuyée, la tête renversée, et son mufle sauvage et peureux de bête traquée. Un masque antique, aux gros traits, terribles et grotesques, de Gorgone sans yeux, dont l’embouchure est