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s’en tienne à sa propre tâche, vive de ses propres ressources et de ses traditions !

« Évitons d’être intimes avec ceux dont les usages sociaux sont différents des nôtres. On ne doit pas entrelacer sa vie avec celle des hommes ou des peuples, dont l’idéal est en désaccord avec le nôtre… Chaque homme est un ruisseau. Chaque peuple est un fleuve. Ils doivent suivre leur lit, limpides et sans souillure, jusqu’à ce qu’ils aient atteint la mer du Salut, où ils se mêleront tous. »

C’est le triomphe du Nationalisme. Le plus pur. Le plus étroit. Rester chez soi. Fermer toutes les portes. Ne rien changer. Tout conserver. Ne rien vendre au dehors. Ne rien acheter. Se purifier. Un Évangile médiéval de moines cloîtrés[1]. Et Gandhi, au cœur large, y laisse attacher son nom !

On comprend le saisissement de Tagore, devant ces illuminés du nationalisme réactionnaire, qui prétendent arrêter le cours des siècles, mettre en cage l’essor de l’esprit,

  1. Ça et là d’ailleurs, d’admirables prescriptions morales : Point de vengeances ! « Ce qui est passé est passé. Le passé est irrévocable, il est devenu une partie de l’éternité, et l’homme n’a plus aucun recours contre lui. Ne songe pas à des représailles pour les injustices et les offenses passées ! Que le passé mort enterre ses morts ! Dans le présent qui vit, agissons en prenant pour guides notre cœur et Dieu ! » — D’un bout à l’autre du livre une pureté de glacier.