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Page:Rolland Clerambault.djvu/125

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que peut changer. Dessous, la gueule est la même.

Clerambault connaissait plusieurs de ces fanatiques. Il n’était pas question de discuter avec eux si le Droit ou le Tortu ne se trouvaient pas, en guerre, de plus d’un seul côté. Autant eût valu, pour un manichéen, discuter avec la Sainte Inquisition. Les religions laïques ont leurs grands séminaires et leurs sociétés secrètes, où se conserve orgueilleusement le dépôt de la doctrine. Qui s’en écarte est excommunié, — en attendant qu’il soit du passé, à son tour ; alors, il aura chance de devenir aussi un dieu ; et en son nom, on excommuniera l’avenir !

Mais si Clerambault n’était pas tenté de convertir ces durs intellectuels casqués de leur étroite vérité, il en connaissait d’autres qui n’avaient point cet orgueil de certitude : tant s’en fallait ! Ils péchaient plutôt par souplesse un peu molle et par dilettantisme. — Arsène Asselin était un aimable Parisien, célibataire, homme du monde, intelligent et sceptique, qu’une faute de goût choquait dans le sentiment comme dans l’expression ; comment eût-il pu se plaire aux outrances de pensée, qui sont le bouillon de culture où se développe la guerre ? Son esprit critique et son ironie devaient l’incliner au doute : il n’y avait pas de raison pour qu’il ne comprît point les raisons de Clerambault !… Aussi bien s’en était-il fallu d’un cheveu qu’il pensât comme lui. Son choix avait dépendu de circonstances fortuites. Mais à partir du moment où il avait mis le pied dans l’autre direction, impossible de revenir en