Page:Rolland Clerambault.djvu/128

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ses derniers scrupules, il les recouvrit de raisonnements serrés. Avec l’aide de ses collègues, il prouva laborieusement par a + b que la guerre était le devoir du pacifisme conséquent. Sa Ligue avait beau jeu à relever les actes criminels de l’ennemi ; mais elle ne s’attardait pas sur ceux de son propre camp. Alexandre Mignon entrevoyait, par instants, l’injustice universelle. Vision intolérable… Il ferma ses volets…

À mesure qu’il s’emmaillotait dans sa logique de guerre, il lui devenait plus difficile de s’en dépêtrer. Alors, il s’acharna comme un enfant qui, par un acte irréfléchi de nervosité maladroite, vient d’arracher l’aile d’un insecte. L’insecte est perdu, maintenant. L’enfant honteux, qui souffre et qui s’irrite, se venge sur la bête et la met en pièces.

On peut juger du plaisir qu’il eut à entendre Clerambault lui faire son mea culpa ! L’effet fut surprenant. Mignon, déjà troublé, s’indigna contre Clerambault. En s’accusant, Clerambault paraissait l’accuser. Il devint l’ennemi. Nul ne fut, par la suite, plus enragé que Mignon contre ce remords vivant.

Clerambault eût rencontré plus de compréhension chez quelques politiciens. Ceux-là en savaient autant que lui et même bien davantage ; mais ils n’en dormaient pas plus mal. Depuis leur première dent gâtée, ils avaient l’habitude des combinazioni, des tripotages de pensée ; ils se donnaient à bon compte l’illusion de servir leur parti, au prix de quelque compromis : un de plus, un de moins ! Aller droit, penser droit