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Page:Rolland Clerambault.djvu/133

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sera très belle… dans cinquante ans. Il ne faut pas devancer la nature ; il faut attendre… »

— « Attendre que soient lassés l’appétit des exploiteurs et la bêtise des exploités ? Comment ne comprennent-ils pas que la pensée clairvoyante des meilleurs qui abdique au profit de la pensée aveugle des plus grossiers, va droit contre les plans de la nature qu’ils prétendent suivre, et contre le destin historique, sous lequel ils mettent leur point d’honneur à s’aplatir ? Est-ce respecter les desseins de la nature qu’étouffer une partie de sa pensée, et la plus haute ? Cette conception qui élague de la vie ses forces les plus hardies, pour la plier aux passions de la multitude, conduirait à supprimer l’avant-garde et à laisser le gros de l’armée sans direction… La barque penche ; m’empêcherez-vous de me porter de l’autre côté pour faire contrepoids ? Et faudra-t-il que nous nous mettions tous du côté où l’on penche ? Les idées avancées sont le contrepoids, voulu par la nature, au lourd passé qui s’obstine. Sans elles, la barque sombre. — Quant à l’accueil qui leur sera fait, c’est question accessoire. Qui les dit peut s’attendre à être lapidé. Mais, qui, les pensant, ne les dit point, se déshonore. Il est comme le soldat chargé d’un message périlleux dans la bataille. A-t-il la liberté de s’y soustraire ?… »

Alors, quand ils voyaient que la persuasion était sans prise sur Clerambault, ils démasquaient leurs batteries et le taxaient violemment d’orgueil ridicule et criminel. Ils lui demandaient s’il se croyait plus intelligent que tous, pour opposer son jugement à