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Page:Rolland Clerambault.djvu/144

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Depuis toujours. Nous avons en nous une part de vérité, des lueurs, que nous réservons prudemment. J’en ai eu, plus d’une fois, le remords obscur. Mais alors, je craignais de regarder. L’épreuve m’a appris à voir. Nous sommes des privilégiés ; et cela nous crée des devoirs. Nous ne les remplissons pas. Nous avons peur de nous compromettre. L’élite de l’esprit est une aristocratie, qui prétend succéder à celle du sang ; mais elle oublie que celle-ci commença par payer de son sang ses privilèges. Depuis des siècles, l’humanité entend beaucoup de paroles de sagesse ; mais elle voit rarement des sages se sacrifier. Cela ne ferait pourtant pas de mal au monde qu’on en vit quelques-uns, comme aux temps héroïques, mettre leur vie pour enjeu de leur pensée. Rien de fécond ne peut être créé, sans le sacrifice, Pour que les autres croient, il faut croire soi-même, il faut prouver qu’on croit. Il ne suffit pas qu’une vérité soit, pour que les hommes la voient. Il faut qu’elle ait la vie. Cette vie, nous pouvons, nous devons la lui donner : — la nôtre. Sinon, toutes nos pensées ne sont que des jeux de dilettantes, un théâtre, qui n’a droit qu’à des applaudissements de théâtre. Les hommes qui font avancer l’humanité sont ceux qui lui font de leur vie un marchepied. C’est par là que l’emporte sur nos grands hommes le fils du charpentier de Galilée. L’humanité a su faire la différence entre eux et le Sauveur.

— L’a-t-il sauvée ?…

« Lorsque Jalvé Sébaot l’a résolu.

Les peuples travaillent pour le feu. »