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Page:Rolland Clerambault.djvu/145

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— Votre cercle de feu est le suprême épouvantement. L’homme n’existe que pour le briser, pour tâcher d’en sortir, d’être libre.

— Libre ? fit Perrotin, avec son tranquille sourire.

— Libre ! Le plus haut bien, aussi exceptionnel que le nom est commun. Aussi exceptionnel que le vrai beau, que le vrai bien. Libre, j’entends celui qui peut se dégager de soi, de ses passions, de ses instincts aveugles, et de ceux du milieu, et de ceux du moment, non pas pour obéir à sa raison, comme on dit, — (la raison, au sens où vous l’entendez, est un leurre, c’est une autre passion, durcie, intellectualisée, et, par ce fait, fanatisée), — mais pour tâcher de voir par-dessus les nuages de poussière qui s’élèvent des troupeaux sur la route du présent, pour embrasser l’horizon, afin de situer ce qui passe, dans l’ensemble des choses et l’ordre universel.

— Et donc, dit Perrotin, pour s’assimiler ensuite aux lois de l’univers.

— Non, répliqua Clerambault ; pour s’opposer à elles en pleine conscience, si elles sont contraires au bonheur et au bien. Car c’est en cela même que consiste la liberté, que l’homme libre est à soi seul une loi de l’univers, loi consciente, seule chargée de faire contrepoids à l’écrasante machine, à l’Automate de Spitteler, à l’Ananké d’airain. Je vois l’Être universel, aux trois quarts engagé encore dans la glaise, ou l’écorce, ou la pierre, et subissant les implacables lois de la matière où il est incrusté. Il n’a que le regard et le souffle qui sont libres. — « J’espère », dit le regard.