Page:Rolland Clerambault.djvu/150

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a eu du mal. Surtout au commencement. N’était pas accoutumé. Nous, ça nous connaissait.

— Vous êtes de la campagne ?

— J’étais valet de ferme. On vit de la vie des bêtes ; on vit un peu comme les bêtes… Quoique, Monsieur, à vrai dire, l’homme, au temps d’aujourd’hui, traite l’homme pire que les bêtes… « Soyez bons pour les animaux » ; il y avait, dans notre tranchée, un farceur qui avait accroché cette pancarte… Mais ce qui n’est pas bon pour eux est assez bon pour nous… Ça va bien… Je ne me plains pas. C’est comme ça. Et quand y faut, y faut. Mais le petit sergent, on voyait qu’il n’avait pas l’habitude. Tout, la pluie et la boue et la méchanceté, et surtout la saleté, tout ce qu’on touche, tout ce qu’on mange, et sur soi, la vermine… Au commencement, des fois, je l’ai vu près de pleurer. Alors j’allais l’aider, le blaguer, le remonter, — mais sans faire semblant, car il était fier, le petit, voulait pas être aidé ! — mais était bien content de l’être, tout de même. Et moi pareillement. On a besoin de se serrer. Finalement, il était devenu aussi endurant que moi ; à son tour, m’a aidé. Et ne se plaignait jamais. Même qu’on riait ensemble. Car il faut bien qu’on rie : il n’y a pas de malheur qui tienne ! Ça venge de la guigne.

Clerambault écoutait, oppressé. Il demanda :

— Alors, il était moins triste, à la fin ?

— Oui, Monsieur. L’était ben résigné. On l’était tous, d’ailleurs. On ne sait pas comment que ça se fait : on se lève à peu près tous du même pied, chaque jour ; on se ressemble pourtant pas, mais on finit par