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Page:Rolland Clerambault.djvu/153

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prendre, à ceux qui couchent dans leur lit, ce qui se passe ici !… C’est pas nouveau pour moi. Pas besoin d’être en guerre ! J’ai vu ça, toute ma vie. Tu crois que, quand je peinais sur la terre et que je suais toute la graisse de mes os, les autres s’en inquiétaient ? C’est pas qu’ils soyent mauvais. Ni mauvais ni bons. À peu près comme tout le monde. Peuvent pas se rendre compte. Pour comprendre, il faut prendre. Prendre la tâche. Prendre la peine. Sinon — et c’est non, mon gars — il n’y a qu’à se résigner. N’essaie pas d’expliquer. Le monde est comme il est ; on n’y peut rien changer.

— Ce serait trop affreux. Ce ne serait plus la peine de vivre.

— Pourquoi diantre ? Moi, je l’ai bien supporté. Tu vaux pas moins que moi. Tu es plus intelligent ; tu peux apprendre. Supporter, ça s’apprend. Tout s’apprend. Et puis, supporter ensemble, c’est pas tout à fait un plaisir, mais c’est plus tout à fait une peine. C’est d’être seul qu’est le plus dur. Tu n’es pas seul, mon petit.

Maxime le regarda en face, et dit :

— C’est là-bas que je l’étais. Je ne le suis plus, ici…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mais l’homme aux yeux fermés, étendu sur le lit, ne dit rien de ce qu’il avait revu. Rouvrant tranquillement les yeux, il retrouva le regard angoissé du père, qui le suppliait de parler.