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Page:Rolland Clerambault.djvu/154

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Alors, avec une gauche et affectueuse bonhomie, il tâcha d’expliquer que, si le petit était triste, c’était probablement d’avoir laissé les siens, mais qu’on l’avait remonté. On comprenait sa peine. Quoique, pour ce qui était de lui, le stropiat, il n’avait jamais eu de père ; mais quand il était enfant, il imaginait, pour ceux qui en ont un, quelle chance ça devait être…

— Alors, je me suis permis… je lui ai parlé, Monsieur, comme si moi, j’étais vous… Le petit s’est calmé. Il a dit que, tout de même, on devait une chose à cette garce de guerre : c’est qu’elle avait montré qu’on est bien des pauvres gens sur terre qui ne se connaissaient pas, qui sont faits de même matière. On se dit bien qu’on est des frères, des fois, sur les affiches, où encore dans le sermon ; seulement, on n’y croit pas ! Pour le savoir, faut avoir bien trimé ensemble… Alors, il m’a embrassé.

Clerambault se leva, et, courbé sur le visage emmailloté, embrassa la joue râpeuse du blessé.

— Dites-moi ce que je puis faire pour vous, demanda-t-il.

— Vous êtes bien bon, Monsieur. Y a plus grand chose à faire. Je suis fini, quasiment. Sans jambes, un bras cassé, plus trop rien de bien sain… à quoi je puis servir ? D’ailleurs, il n’est pas dit encore que je m’en tire. Ça sera comme ça pourra. Si je pars, bon voyage ! Si je reste, y a qu’à attendre. Y aura toujours des trains.

Clerambault admirait sa patience. L’autre répétait son refrain :