Page:Rolland Clerambault.djvu/162

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\clef bass
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<<
\new Voice = "melodie" {
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g,1 bes,2
d2 bes,2 d2
fis2 d2 fis2
a2 bes2 g2
fis2 a2. d4
d1.
\bar "|."
}

\new Lyrics \lyricsto "melodie" {
Fi- li mi,
Fi- li mi,
Fi- li mi,
Fi- li mi,
Fi- li mi!
}
>>
}


J’avais un fils. Je l’aimais. Je l’ai tué. Pères de l’Europe en deuil, ce n’est pas pour moi seul, c’est pour vous que je parle, millions de pères, pères veufs de vos fils, ennemis ou amis, tous couverts de leur sang, comme moi. C’est vous tous qui parlez, par la voix d’un des vôtres, ma misérable voix qui souffre et se repent.

Mon fils a été tué, pour les vôtres, par les vôtres ? (je ne sais), comme les vôtres. Comme vous, j’ai accusé l’ennemi, j’ai accusé la guerre. Mais le principal coupable, je le vois aujourd’hui, je l’accuse : c’est moi. C’est moi ; et moi, c’est vous. C’est nous. Que je vous force à entendre ce que vous savez bien, mais ne voulez pas savoir !

Mon fils avait vingt ans, lorsqu’il est tombé sous les coups de la guerre. Vingt ans, je l’ai chéri, défendu contre la faim, le froid, contre les maladies, contre la nuit de l’esprit, l’ignorance, l’erreur, contre toutes les embûches dissimulées dans l’ombre de la vie. Mais qu’ai-je fait pour le défendre contre le fléau qui venait ?

Je n’étais pourtant pas de ceux qui pactisaient avec les passions des nationalismes jaloux. J’aimais les hommes, j’avais joie à me représenter leur fraternité future. Pourquoi donc n’ai-je rien fait contre ce qui