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Page:Rolland Clerambault.djvu/163

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la menaçait, contre la fièvre qui couvait, contre la paix menteuse, qui, le sourire aux lèvres, se préparait à tuer ?

Peur de déplaire, peut-être ? Peur des inimitiés ? J’aimais trop à aimer, surtout à être aimé. Je craignais de compromettre la bienveillance acquise, cet accord fragile et fade avec ceux qui nous entourent, cette comédie qu’on joue aux autres et à soi, et dont on n’est pas dupe, puisque des deux côtés on redoute de dire le mot qui effriterait le plâtre et dénuderait la maison crevassée. Peur de voir clair en soi. Équivoque intérieure… Vouloir tout ménager, faire tenir ensemble les vieux instincts et la nouvelle croyance, les forces qui s’entredétruisent et s’annulent mutuellement. Patrie, Humanité, Guerre et Paix… Ne pas savoir au juste de quel côté l’on penche. Pencher de l’un à l’autre, comme en se balançant. Peur de l’effort à faire, pour prendre une décision et pour faire son choix… Paresse et lâcheté ! Le tout bien recrépit d’une foi complaisante en la bonté des choses, qui sauraient, pensions-nous, s’organiser d’elles-mêmes. Et nous nous contentions de regarder, de glorifier le cours impeccable du Destin… Courtisans de la Force !…

A notre défaut, les choses, — ou les hommes, (d’autres hommes) — ont choisi. Et nous avons compris alors que nous nous étions trompés. Mais il nous était si affreux d’en convenir, et nous étions si déshabitués d’être vrais que nous avons agi comme si nous étions d’accord avec le crime. Pour gage de l’accord, nous avons livré nos fils…