Page:Rolland Clerambault.djvu/188

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treux, qu’eût négligés, d’elle-même, la conscience publique, somnolente et fourbue. Ç’a été, pendant la guerre, le mot d’ordre généralement observé en Allemagne, où les pouvoirs publics étouffaient sous les fleurs les écrivains révoltés, quand ils ne pouvaient pas sans bruit les étrangler. Mais l’esprit politique de la démocratie française est plus franc et plus borné. Elle ne connaît pas le silence. Bien loin de cacher ses haines, elle monte sur des tréteaux pour les expectorer. La Liberté française est comme celle de Rude : gueule ouverte, elle braille. Qui ne pense pas comme elle, aussitôt est un traître ; il se trouve toujours quelque bas journaliste, pour dire de quel prix fut achetée cette voix libre ; et vingt énergumènes ameuteront contre elle la fureur des badauds. Une fois la musique en train, rien à faire qu’à attendre que la violence s’épuise par son excès. En attendant, gare à la casse ! Les prudents se mettent à l’abri, ou hurlent avec les loups.

Le directeur du journal, qui s’honorait de publier, depuis plusieurs années, des poésies de Clerambault, lui fit dire à l’oreille qu’il trouvait tout ce vacarme ridicule, qu’il n’y avait pas dans son cas de quoi fouetter un chat, mais qu’à son grand regret, il se voyait obligé, pour ses abonnés, de l’éreinter… Oh ! avec toutes les formes ! … Sans rancune, n’est-ce pas ? … — Fin effet, rien de brutal : on se borna à le rendre ridicule.

Et jusqu’à Perrotin — (piteuse espèce humaine !) — qui, dans une interview, ironisa brillamment Clerambault, fit rire à ses dépens, et pensait en cachette demeurer son ami.