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“L’Appel aux Vivants”

La mort règne sur le monde. Vivants, secouez son joug ! Il ne lui suffit pas d’anéantir les peuples. Elle veut qu’ils la glorifient, qu’ils y courent en chantant ; et leurs maîtres exigent qu’ils célèbrent leur propre sacrifice… « C’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie !… » — Ils mentent ! Vive la vie ! Seule, la vie est sainte. Et l’amour de la vie est la première vertu. Mais les hommes d’aujourd’hui ne la possèdent plus. Cette guerre le démontre — et déjà, depuis quinze ans, chez beaucoup (avouez-le !) le monstrueux espoir de ces bouleversements. Vous n’aimez pas la vie, vous qui n’en voyez pas d’emploi meilleur à faire que de la jeter en pâture à la mort. Votre vie vous est à charge : à vous, riches, bourgeois, serviteurs du passé, conservateurs qui boudent, par manque d’appétit, par dyspepsie morale, âme et bouche pâteuses, amères, par ennui, — et à vous, prolétaires, pauvres et malheureux, par découragement du lot qui vous est attribué. Dans la médiocrité maussade de votre vie, dans le peu d’espérance de la transformer jamais (hommes de peu de foi !) vous n’aspirez qu’à en sortir par un acte de violence qui vous soulève au-dessus du marécage, l’espace d’une minute au moins, — la dernière. Les plus forts, ceux de vous qui ont le mieux conservé l’énergie des instincts primitifs — anarchistes ou révolutionnaires, — font appel à eux seuls pour accomplir cet acte qui les libère. Mais la masse du peuple est trop lasse pour prendre l’initiative. C’est