Aller au contenu

Page:Rolland Clerambault.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourquoi elle accueille avec acidité la puissante lame de fond qui remue les patries, — la guerre. Elle s’y abandonne avec une sombre volupté. C’est le seul instant de leur vie, où ces pâles existences sentent passer en elles le souffle de l’infini. Et cet instant est celui de l’anéantissement !

Ah ! le bel emploi de la vie ! N’être capable de l’affirmer qu’en la niant — au profit de quel dieu carnassier ? Patrie, Révolution qui fait claquer ses mâchoires sur les os de millions d’hommes

Mourir, détruire. La glorieuse affaire ! C’est vivre qu’il faudrait. Et vous ne le savez pas ! Vous n’en êtes pas dignes. Jamais vous n’avez goûté la bénédiction de la minute vivante, de la joie qui circule dans la lumière. Âmes moribondes qui veulent que tout meure avec elles, frères malades à qui nous tendons la main pour les sauver, et qui nous tirent à eux, rageusement, dans l’abîme

Mais ce n’est pas à vous, malheureux, que j’en ai ; c’est à vos maîtres. Vous, les maîtres de l’heure, nos maîtres intellectuels, nos maîtres politiques, maîtres de l’or, du fer, du sang et de la pensée ! Vous qui tenez ces États, vous qui remuez ces armées, vous qui avez façonné ces générations, par vos journaux, vos livres, vos écoles, vos Églises, et qui de ces âmes libres avez fait des troupeaux ! Toute leur éducation — votre œuvre d’asservissement — éducation laïque, éducation chrétienne, exalte également, avec une joie malsaine, le néant de la gloire militaire et de la béatitude ;